Voici mon tout premier billet de blogue publié sur la page Facebook du Ed Café le 22 décembre 2016.

L’espace à la réflexion zen peut être assez restreint dans un quotidien de prof, à moins qu’on le force un peu. Ou qu’on nous propose une occasion incontournable pour l’insérer à travers les urgences et autres dossiers brulants.

C’est ce qui est arrivé cet automne lorsque Éliane, une de mes anciennes élèves, m’a demandé un entretien afin de l’aider dans un travail de cégep. Quand on est prof de cinquième secondaire, c’est le genre de demande qu’on reçoit ponctuellement. Un petit sondage par ci, une activité de sensibilisation par là…
Mais cette fois-ci, la demande était plutôt singulière : Éliane voulait me questionner sur ma profession, dans le cadre de son cours d’orientation. Document de cours, questions préparées à l’avance; je me sentais investi d’une mission sérieuse, celle de présenter un portrait réaliste à une jeune femme qui considérait cette profession dans son parcours de vie.
Inévitable mutation
Ainsi, au cours de notre discussion, nous avons abordé l’entrée dans la profession (formation universitaire, importance des stages, précarité des premières années…), de même que sa poutine récurrente (préparations de cours, évaluations, tâches connexes…). Après avoir accueilli quelques stagiaires dans les dernières années, je commence à avoir un bon esprit de synthèse sur ces sujets.
On a parlé aussi des mutations importantes qui s’y opèrent – comme dans le reste de la société d’ailleurs – où l’omniprésence du numérique semble tenir un rôle de plus en plus imposant. À l’instar des journalistes qui voient ces dernières années leur profession bousculée par la nouvelle réalité numérique, les enseignants ne sont pas en reste. (Mais ça, ça sera un sujet pour un autre billet!)

Une question de compétence
J’ai néanmoins été pris de court à sa dernière question :
“Quelles sont les trois principales compétences nécessaires?”
Avouons qu’avec le mot “compétence”, les cloches du vocabulaire de la Réforme – oups! le Renouveau pédagogique – se font entendre. On pense alors à cette nouvelle approche qui a tant fait couler d’encre depuis le début des années 2000, aujourd’hui quasi enseveli sous l’avalanche de la progression des apprentissages. (Avez-vous déjà épluché toute la documentation à ce sujet, au primaire et au secondaire? Franchement volumineux…) Mais ça, c’est pour les élèves.
En ce qui concerne les profs, le rapport aux compétences relève plutôt d’un concept présent en filigrane dans le milieu : les 12 compétences professionnelles. J’ai fini mon bacc un peu trop tôt pour m’en faire parler sur les bancs universitaires (le document date de 2001), mais j’ai pu en prendre connaissance au début de ma carrière (merci Jean!). On y fait rarement référence directement, si ce n’est lorsque la question de la création d’un ordre professionnel pour les enseignants refait surface dans l’actualité, comme encore au printemps dernier.

Mais Éliane m’en demandait trois… Je ne vous cacherai pas que j’aurais été bien embêté de défiler tout de go les douze par coeur. Alors, le prof de sciences humaines – oups! d’univers social – en moi s’est emparé de nouveau de son esprit de synthèse pour générer un top 3, ancré sur mes réflexions, lectures et discussions des derniers mois :
– l’empathie
Le travail de l’enseignant se fait avant tout dans un milieu humain, par des humains, pour d’autres humains. Bien que le numérique fasse entrer de plus en plus la dimension virtuelle dans le monde scolaire, les jeunes se déplacent toujours dans le lieu physique de l’école pour apprendre, en société réelle. Je constate qu’ils ont toujours autant besoin de cette humanité, et le rôle premier de l’enseignant demeure d’entrer en relation avec eux. Ce contact humain devient alors le déclencheur de tout ce que l’école peut apporter à une personne. Un futur prof doit ainsi être convaincu de la place centrale de cette dimension relationnelle. Nous ne sommes pas là pour la matière qu’on enseigne; nous sommes là pour accompagner des jeunes en développement, ayant des besoins semblables et différents à la fois.
– l’éternel apprenant
Ainsi, un bon prof ne peut être un cordonnier mal chaussé. Stimuler le goût d’apprendre chez les jeunes devient tellement plus significatif et contagieux lorsqu’on incarne nous-mêmes ce que l’on prône.
Il y a de plus en plus d’enseignants qui adoptent des postures d’apprenants et qui comprennent désormais que le domaine de l’enseignement ne peut être pris pour acquis. Il est flexible, intangible, insaisissable et impossible à cerner dans sa globalité.
Marc-André Girard @magirard
– la créativité
Il y a beaucoup de sphères qui sont en mouvement dans notre société actuelle. Nous avons maintenant une nouvelle génération de jeunes, avec de nouvelles perspectives d’avenir, qui nous demande de revoir nos approches traditionnelles. J’ai parfois l’impression que les préparations de cours deviennent obsolètes à un rythme de plus en plus soutenu. L’enseignant doit faire preuve de créativité, non pas pour réinventer la roue à chaque cours, mais pour adapter ce qu’il fait déjà de bien afin qu’il fasse encore mieux pour les jeunes avec qui il interagit. L’enseignant doit accompagner les élèves à développer eux aussi leur propre créativité, seul et en collaboration (voir l’approche co-créative de Margarida Romero de l’Université Laval).
Une profession d’avenir
Quelques temps après cet entretien, j’ai réfléchi à nouveau sur la question, ce qui m’a amené à chercher dans les quelques articles sauvegardés ça et là via mes réseaux sociaux. Je suis tombé sur cet article du Devoir relevant la publication en octobre dernier de “Enseigner au Québec”, le nouveau livre de Normand Baillargeon. L’ouvrage a pour but “d’exposer aux futurs enseignants québécois ce qui les attend dans l’exercice de ce qui est « un métier, une profession et une vocation »”. Bien que ce livre fasse grandir ma pile de “à lire prochainement”, ce survol me permet de croire que je n’étais pas trop dans le champ avec Éliane en lui parlant de l’éternel apprenant (métier), de créativité (profession) et d’empathie (vocation).
Et disons-le, la profession enseignante se porte généralement bien : elle fait toujours bonne figure dans les différents palmarès des emplois d’avenir (encore top 10 dans le palmarès 2016 de Jobboom).
De plus, encore l’an dernier, Léger publiait le Baromètre des professions qui donnait un taux de confiance de 86% aux enseignantes et enseignants, dans les meilleurs au Québec, constant depuis des années. Dans une période intense comme celle qui précède le congé des Fêtes, ça fait du bien au moral!
Alors merci Éliane de m’avoir permis cet arrêt réflexif sur ce que je fais au quotidien. Bonne réflexion orientante à toi!
Je lève ma tasse à tous les profs (et à ceux et celles en devenir)! Bon congé des Fêtes en sirotant votre café : y’a pas l’feu pour les deux prochaines semaines!
