Voici mon troisième billet de blogue publié sur la page Facebook du Ed Café le 25 avril 2017.
On entend beaucoup parler de “l’école de demain” ces temps-ci. Je suis d’ailleurs enchanté que les réflexions autour du monde de l’éducation prennent de plus en plus de place dans l’actualité.
Mais au-delà de nos rêves les plus fous, il nous faut tout de même enseigner AUJOURD’HUI aux jeunes qu’on a en face de nous.
- Pas à ceux qu’on a déjà eu…
- Pas à ceux qu’on aimerait avoir…
Avec l’arrivée du printemps, la motivation scolaire connaît toujours une baisse. Et pour nombre de nos futurs finissants, l’investissement scolaire fond comme neige au soleil.
Mais ils sont là. Du moins de corps…
Vous êtes-vous déjà demandé ce que plusieurs d’entre eux viennent faire à l’école tous les jours? 🤔 Réponse -> Ce qu’un ado sait faire de mieux : attendre que le temps passe, entre amis. Ça chill en gang…
Comme l’arrivée du printemps 2017, ils ne sont clairement pas pressés. Et ils ont peut-être raison de ne pas l’être.
Dans la salle d’attente
Comme prof, on travaille constamment dans l’urgence : l’agenda est plein, le calendrier est toujours trop court pour faire tout ce qu’on voudrait. Il ne reste à peine que deux mois d’école d’ailleurs! Je vois et j’entends ainsi plusieurs profs être consternés devant l’attitude relativement téflon d’une majorité de jeunes à notre urgence.
- L’urgence d’aborder toutes ces notions SI capitales pour leur développement, au point de bousculer chaque fin d’année dans un sprint déchainé. Merci d’ailleurs aux savantes progressions des apprentissages qui sont devenues de superbes check-lists ✅ ;
- L’urgence de toutes ces évaluations, trop souvent théoriques, peu ou pas contextualisées, indépendantes les unes des autres. On a besoin de notes! Avez-vous déjà porté attention à l’horaire d’un élève au secondaire : rendu en cinquième, on lui impose une bonne dizaine de cours en silos bien hermétiques, une réalité complexe qu’il ne vivra plus jamais dans son parcours scolaire par la suite (qui oserait prendre 10 cours par session?!? 😱). Ça fait de l’évaluation potentielle au pied carré, ça! Pourtant, même le ministre constate qu’on évalue trop ;
- L’urgence de faire un choix éclairé sur son avenir dès maintenant, aussi tôt qu’en troisième secondaire avec les choix de cours de mathématiques et de sciences. Convaincus que l’école fait foi de tout, l’expression vide « prends pas de chance, ouvre-toi toutes les portes » est toujours vivante chez les parents des élèves, pression incluse. Va falloir qu’on me les montre un jour, ces fameuses portes… 🚪🚪
Donc, devant tout ce beau monde adulte, plein de bonnes intentions, qui clame l’urgence nationale au quotidien, je regroupe les réactions de nos jeunes en fin de parcours secondaire en trois catégories :
- Les anxieux performants (le combo est d’ailleurs de plus en plus commun), qui capotent leur vie!
- Les insouciants passifs (le stéréotype adolescent), qui ont lancé la serviette, parfois depuis un bon bout, n’attendant plus rien de l’école…
- La majorité silencieuse, qui attend de voir…
Les Z sur nos bancs d’école
Les sociologues, particulièrement dans le monde du travail, nous disent que nous avons devant nous une nouvelle génération. Les Millenials (ou Y) qui font tant jaser dans les médias ne sont plus sur les bancs d’école. Ils ont investi le monde du travail, au grand désarrois des X et des Baby-boomers.
Nous avons maintenant devant nous la génération Z. Ses premiers membres étant nés à la fin des années 1990, ils forment nos diplômés des dernières cuvées, et pour les dix prochaines années. Bien qu’il soit encore tôt pour les baptiser d’un nom plus évocateur que Z, on commence à voir des traits généraux se dessiner. Et s’il y a un constat que je fais depuis quelques temps dans le contexte scolaire, c’est qu’ils sont généralement moins pressés que leurs prédécesseurs :
- Ils sont chez maman-papa longtemps, Tanguy n’est plus un cas d’espèce 👪. Et la culture populaire leur montre qu’on est jeune et cool jusqu’à 30 ans.
- Les établissements post-secondaires, particulièrement les cégeps, s’arrachent les étudiants. La compétition est féroce et on fait des pieds et des mains pour les accommoder. Les possibilités sont multiples, les services sont nombreux et de plus en plus personnalisés. Une expérience fort différente de celle de leurs parents.
- Le marché du travail leur est favorable : on a et aura besoin d’eux, du moins à court terme. Là aussi une situation fort différente de celle de leurs parents, dont plusieurs se sont butés au grand marasme économique du début des années 1980. Sans compter qu’on se fie à leur “expertise naturelle” avec le numérique (ils sont nés après Windows 95, faut-il le rappeler) pour venir prêter main forte à leurs ainés. 📲
Jouer en attendant
Devant ce panorama, l’école actuelle, basée sur le vieux modèle industriel, ne leur dit généralement pas grand chose. Ils ont l’impression, parfois avec justesse, qu’on peut apprendre ailleurs, dans des contextes plus attrayants, quand on veut, où on veut, et surtout SI on veut. Il n’y a donc pas d’urgence.

Mais l’école est encore un passage obligé; c’est la loi! Alors ils attendent…
Et en attendant, la majorité silencieuse jouent la Et en attendant, la majorité silencieuse jouent la game de l’école. À ce sujet, Jacques Cool citait récemment les inquiétudes de Roberto Gauvin dans son billet de blogue de janvier dernier :
En général, ils jouent le jeu en étant gentils et soucieux de compléter ce qu’ils ont à faire pour obtenir le jeton qui leur permettra d’aller au prochain niveau tout comme un jeu vidéo. La plupart connaissent les règles et s’y conforment. Ça me fait peur…
Cette game de l’école, on apprend jeune à y jouer. Et en cinquième secondaire, une trop grande quantité d’élèves sont passés maîtres, certains diraient même des Jedis. Cours obligatoires ou pas pour le diplôme, préalables ou pas pour le cégep… sans compter qu’un cours à 2 périodes/cycle, c’est clairement moins important qu’un autre qui en à 7, ça va de soi! Et pour ceux et celles qui ne le sauraient pas encore, eh bien les jeunes s’échangent tous leurs meilleurs trucs dans leur groupe Facebook fermé. 🤝
J’entends déjà plusieurs me dire : « Mais Max! J’en connais des jeunes qui ne sont pas comme ça, et qui profitent pleinement de leur expérience scolaire! » Moi aussi j’en connais; j’en ai quelques-uns encore cette année dans mes groupes.
Mais je suis un prof de sciences humaines qui a eu un coup de coeur pour la sociologie dans son parcours collégial. J’aime identifier les patterns généraux et mes dernières années en classe m’ont donné de la matière à analyser. La tendance à l’utilitarisme scolaire est de plus en plus marquée…
Comment puis-je avoir un maximum de points pour un minimum d’effort?
Le grand coup de balai
Devant ce tapis qui nous glisse lentement mais sûrement sous les pieds, qu’est-ce qu’un prof peut bien faire pour donner du sens à son travail?
Faire autrement. Pas le choix. L’école qu’on a connu quand NOUS étions élèves doit être repensée. 🚧
C’est l’heure de faire le ménage dans nos pratiques, de faire le tri, de faire des deuils. La question ici n’est pas de faire table rase d’un coup sec, mais plutôt de faire le constat que certaines de nos activités en classe ont fonctionné à une certaine époque, avec une autre génération d’élèves, mais que maintenant, ça ne colle plus. Ce n’est pas la faute des élèves, ou même leurs parents, c’est toute la société qui change à un rythme soutenu, qu’on le veuille ou non.
Si on veut amener nos jeunes à faire leur place dans ce monde en perpétuel mouvement, il va falloir que l’école s’y mette. Et on ne peut pas attendre après le ministère : il faut bouger maintenant! Voilà d’ailleurs un beau défi, car tout commence en classe, avec un prof qui prend le risque de faire autrement. Prêchant par l’exemple, on pourra ainsi guider les élèves à faire autrement eux aussi, dans un contexte d’apprentissage qui est moins prévisible, où la game de l’école devient plutôt un défi stimulant au quotidien.
Il est temps de faire le grand ménage scolaire du printemps! Alors, afin de faire de la place pour du nouveau, vous commencez par vous débarrassez de quoi? 🗑
